Ode à la matière brute


Publié le 26 janvier 2025

Pourquoi fais-tu de la photo de nature ?

Comme pour tous mes autres sujets photographiques, pour saisir une sensibilité, une émotion, un instant particulier, dans son aspect le plus brut. La nature est centrale dans ma vie car elle est universelle et la genèse de notre existence humaine. Quand je prends à un cliché de nature, c'est un cliché d'émotions, d'une beauté sur laquelle je pourrai pas mettre de mots.

Y a-t-il des paysages qui t'attirent 

plus que d'autres ?

Ce sont des formes, des couleurs, des lumières qui attirent mon regard. Des formes de vie aussi, des éléments d'une certaine poésie, d'une certaines simplicité. Pour moi, toutes les natures sont splendides. Je photographie les lieux que j'ai la chance d'arpenter. Dans cette série, je mets à l'honneur de vastes espaces préservés. 

Pourquoi laisser apparaitre l'être humain dans ton travail ? Serait-ce un double portrait ?

C'est la nature qui m'offre cette liberté, cette sincérité et cette sensibilité du regard. J'ai l'habitude de capturer la manière dont les gens occupent l'espace, dans ma vie personnelle comme professionnelle.

Ma camarade de randonnée est écrivaine et photographie les paysages d'une manière très sincère et belle.  Elle peut faire d'une immensité, un sujet photographique. Nous partageons un profond respect pour la nature. J'ai documenté son processus de prise de vue, son immersion, sa cohésion avec les lieux.

Quelle est ton rapport aux dimensions ?

Les grands espaces peuvent aussi se trouver dans dans le macro et le micro. Un espace qui, à échelle humaine nous parait tout petit si l'on regarde une motte de terre, peut être en réalité d'une immensité vertigineuse et d'une richesse flamboyante. Ces jeux d'échelles m'offrent à imaginer des mondes dans les mondes et me rappellent la petitesse de l'humain.

Comment retouche-tu tes photos de nature ?

Comme dans mon travail photographique habituel, je retouche très peu mes photos. Le travail de la lumière est très important, car c'est elle qui sculpte les creux et les pleins. Je joue avec ce paramètre, de manière légère afin de préserver l'essence du sujet. La retouche en dit beaucoup sur le regard et la perception du réel.

L'humain passe, il laisse aussi des traces

Il crée sans cesse. Ne rien faire, penser, se remettre d'un chagrin, travailler dur, c'est créer. Ce n'est pas moi qui le dit, ce sont des scientifiques et neurologues.

L'humain a ses complexités. Il y a de nombreuses façon d'habiter la terre et de la parcourir.Je documente cela de la même manière que je relèverais des empruntes.

Y a-t-il une œuvre qui résonnerait avec cette série ?

"Correspondances" de Charles Baudelaire, dans "Les Fleurs du mal", écrit en 1857 :

"La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens."